T-338/16 P : Richard Zink / Commission européenne:

Le requérant, fonctionnaire depuis 1988 à la Commission, est, en septembre 2007, affecté à la Délégation de Kinshasa en tant que chef de Délégation. Il signe sa fiche de droits individuels, au travers de laquelle il ressort clairement qu’il a droit à une indemnité de dépaysement (IDE) de 16%. Toutefois, en raison du contexte de travail, il ne s’aperçoit pas du fait que cette IDE ne lui a pas versée depuis le début de son affectation. Ce n’est qu’en mai 2014 qu’il est informé de ce fait par le chef de l’administration de la Délégation. Après s’être adressé immédiatement au PMO afin de recouvrer l’intégralité de son indemnité depuis septembre 2007, le PMO lui répond qu’il est « hors délai » mais que, ex gratia, l’indemnité lui sera versée, rétroactivement, mais de manière limitée, à savoir à cinq années seulement. Le requérant introduit alors une action devant le Tribunal de la fonction publique afin de se voir octroyer son indemnité pour toute la période d’affectation en Délégation.

Devant le TFP, le requérant a vu son recours rejeté comme étant irrecevable dès lors que le requérant n’aurait pas respecté les délais prescrits aux articles 90 et 91 du Statut.
Le TFP a tout d’abord rappeler le principe selon lequel le bulletin de rémunération a pour effet de faire courir les délais de réclamation uniquement dans la mesure où il reflète la teneur de la décision individuelle qui le sous-tend. En l’espèce, il a considéré que les bulletins de rémunération ne mentionnaient pas l’IDE mais qu’ils ne pouvaient être considérés comme étant le reflet d’une décision de supprimer le droit à l’IDE du requérant. En l’absence de décision faisant grief, le TFP a considéré qu’aucun délai de réclamation n’avait commencé à courir.
Le TFP ajoute alors que le comportement de la Commission consistait en une faute de service qui, en l’absence de caractère décisionnel, impliquait la nécessité, dans le chef du fonctionnaire concerné, de saisir l’administration d’une demande article 90 visant à obtenir dédommagement, le tout dans un délai raisonnable.
Enfin, quant à la question de la détermination du délai raisonnable, le TFP s’est référé, en l’absence de toute précision dans le Statut des fonctionnaires, au délai de prescription de l’article 46 du Statut de la CJUE en matière d’action en responsabilité extracontractuelle de l’Union, à savoir cinq années. Ce délai ayant débuté en septembre 2007, le requérant a vu expiré son droit d’action en 2012.

Dans le cadre de son pourvoi, le requérant invoquait plusieurs moyens, dont, principalement le fait que le Statut est muet quant au délai d’introduction d’une demande visant à obtenir le paiement d’un droit reconnu comme étant dû par l’administration (et donc le délai d’introduction d’une action pour appauvrissement/enrichissement sans cause). Le requérant insistait notamment sur le droit absolu à la rémunération, droit auquel le fonctionnaire ne peut renoncer.

Le TUE s’est prononcé en faveur du requérant en relevant que « le respect d’un délai raisonnable est requis dans tous les cas où, dans le silence des textes, les principes de sécurité juridique ou de protection de la confiance légitime font obstacle à ce que les institutions de l’Union et les personnes physiques ou morales agissent sans aucune limite de temps, risquant ainsi, notamment, de mettre en péril la stabilité de situations juridiques acquises ». Dès lors toutefois qu’en l’espèce les droits du requérant avaient été inscrits au budget de l’Union, que l’absence de versement de cette IDE n’était la résultante que d’une erreur administrative, le TUE a estimé qu’il n’existait aucun risque de bouleversement des finances publiques qui pourrait limiter le droit à la rémunération du requérant.

L’enseignement qui peut être retiré de cet arrêt n’est pas anodin : désormais, il ressort de la jurisprudence du Tribunal que si d’aventure un droit vous était octroyé mais, pour une raison administrative ou logistique quelconque, non concrétisé, vous disposez du droit d’obtenir le respect de ses engagements par l’Institution qui n’est pas limité à une période de cinq années, pour autant toutefois qu’aucun texte ne prévoit le contraire. Ainsi, vous devrez tout d’abord soumettre une demande article 90 à l’AIPN/AHCC dès connaissance de cette erreur.