Cela fait bien des années que la Commission fait face à une recrudescence des actions initiées par des candidats infructueux de concours, non satisfaits de la motivation de rejet de leur candidature.

La frustration est assez simple à comprendre: alors qu’ils sont nombreux à se faire évaluer par des membres d’un jury (dont la composition peut même différer d’un candidat à l’autre), qu’ils sont tous (en tous cas, la grande majorité) qualifiés dans le domaine du concours, qu’ils ont le sentiment d’avoir tout donné, le jury leur notifie la fin de l’aventure par simple courrier sans autres explications.

La recherche de la motivation commence alors. Elle n’est pas aisée et s’arrête souvent au stade du rejet de la réclamation, faute pour le candidat d’initier une bataille devant le Tribunal de l’Union. Le jeu en vaut-il la chandelle? En d’autres termes, l’intérêt final en vaut-il le coût?

Est alors introduite une demande de réexamen, suivie d’une réclamation par laquelle des explications sont sollicitées.

Mais halte là! Il ne saurait être question de motivation détaillée selon la Commission. Le candidat devrait se contenter de la cote et s’estimer heureux de recevoir quelques éléments de plus dans le cadre de la décision de rejet de la réclamation. Pas question par contre d’expliquer la manière dont les critères ont été appréciés ni même les pondérations des différentes questions.

Se satisfaire d’une cote et d’une référence au “threshold” qu’il fallait atteindre, alors même que seul un demi point sépare le candidat évincé de ce minima… Ce n’est pas facile à digérer. Ceci d’autant moins quand après demande de réexamen il apparaît que des erreurs avaient été commises par le jury. Pourquoi ne serait-ce pas encore le cas après réexamen? Comment le vérifier si aucun élément de motivation n’est transmis?

Il fallait jusqu’ici se contenter des cotes intermédiaires, même si en elles-mêmes, elles rendaient parfois plus obscure la règle mathématique ayant impliqué la cote globale d’éviction…

Au nom de quel principe? Le “secret des travaux du jury” naturellement.

Bien que statutairement consacré, ce secret n’est toutefois pas sans contrainte pour l’administration. Dès lors qu’il consiste en une limitation au droit d’accès à l’information, il doit être excipé de manière restrictive, à tout le moins adéquate, sans excéder les limites de ce qui est nécessaire pour répondre à l’objectif poursuivi par la limitation.

Le Tribunal de l’Union a récemment précisé la notion et restreint son interprétation de manière à encadrer la large marge d’appréciation de l’administration mais surtout à protéger l’exercice effectif de la compétence du Tribunal. Il a affirmé la nécessité de lui permettre de contrôler l’exercice de ses pouvoirs par le jury et de vérifier l’absence d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir.

Sans information, pas de contrôle, sans contrôle, pas d’assurances dans le chef des candidats de ce que la liste de réserve établie ne contient que des candidats qui correspondent au profil recherché et qui présentent les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité.

En conclusion, seuls sont visés et protégés par le secret des travaux du jury les éléments d’appréciation personnelle ou comparative des mérites respectifs des candidats mais certainement pas les notes intermédiaires et leur pondération.

(voy. TUE, T-668/20, NZ / Commission européenne, 6 octobre 2021, ECLI:EU:T:2021:667)

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